On a vu un trou noir !
Les trous noirs sont des objets fascinants, à tel point qu'ils sont presque incontournables en science fiction ! Leur "petite" taille et le fait qu'aucune lumière ne puisse s'en échapper rendait leur étude impossible. Mercredi 11 avril 2019 une équipe de chercheurs a cependant publié la première image d'un trou noir.Conférence de Katie Bouman concernant la méthode d'observation
Dans la vidéo suivante, Katie Bouman, la chercheuse ayant développé l'algorithme permettant de reconstituer l'image du trou noir explique en 2017 le principe de son travail.
La vidéo est bien sûr en anglais, mais les sous-titres peuvent aider si vous n'êtes pas à l'aise avec la langue
Qu'est-ce qu'un trou noir ?
Pour simplifier, on va dire qu'un trou noir est un objet tellement lourd que rien ne peut s'échapper de sa surface, pas même la lumière.
Cette définition semble rendre impossible notre capacité à en voir un, non ?
Presque !
En effet, un trou noir peut ne pas être isolé, à proximité se trouve souvent des étoiles ou des nuages de gaz.
Le nuage de gaz est attiré par la masse du trou noir et lui tombe dessus en lui tournant autour, à des vitesses telles que le gaz s'échauffe énormément et se met à produire de la lumière, beaucoup de lumière.
Ainsi ces objets parfaitement noirs peuvent devenir les astres les plus brillants de l'Univers : les quasars
Les trous noirs peuvent prendre des dimensions variées, allant de quelques kilomètres s'ils ont la masse du Soleil (les trous noirs stellaires) jusqu'à des tailles de plusieurs milliards de kilomètres et plusieurs milliards de fois la masse du Soleil pour les trous noirs dits supermassifs.
Bien qu'étant la seule hypothèse scientifique plausible à la concentration de telles masses dans des volumes si faibles, il manquait encore de pouvoir observer réellement un trou noir pour s'assurer de leur existence.
Qu'est-ce qu'on a vu ?
Avec leurs tailles très faible, les trous noirs stellaires sont hors de portée de nos moyens d'observation actuels.
Nous arrivons tous juste à détailler des étoiles supergéantes proches de nous, un trou noir des millions de fois plus petit restera invisible.
En revanche les trous noirs supermassifs grâce à leur nuages de gaz nous laissaient davantage d'espoir.
Ces trous noirs sont présents au coeur des galaxies :
- celui de la Voie Lactée s'appelle Sagittaire A* (ou Sgr A*) : à 22000 années-lumière de nous, d'une masse de 4 millions de fois celle du Soleil et d'un diamètre de 25 millions de kilomètres
- celui de la galaxie d'Andromède, notre plus proche voisine, appelé M87* : à 2.55 millions d'années lumière, d'une masse de 230 millions de fois celle du Soleil et d'un diamètre
- celui de la galaxie M87 : à 54 millions d'années lumière, d'une masse de 6.6 milliards de fois celle du Soleil et de 48 milliards de kilomètres
En fait, malgré la distance, M87* nous apparaît presque aussi gros que SgrA*, raison pour laquelle les astrophysiciens ont essayé de visualiser simultanément ces deux astres.
Si malheureusement les chercheurs sont à l'heure actuelle incapables de réaliser une image de SgrA*, ils ont réussi à recomposer celle de M87* :
Image du trou noir M87*
Ce que l'on "voit" sur cette image, c'est le nuage de gaz orbitant autour du trou noir, le trou noir, au centre reste bien entendu invisible.
Comment l'a-t-on vu ?
Pour imaginer la prouesse que constitue la possibilité de voir M87*, il faut comprendre à quel point cet objet est minuscule, vu depuis la Terre : M87* a un diamètre apparent de 12 microsecondes d'arc, cela équivaut à voir une pièce de 10 centimes à 6000 km de distance !
Pour pouvoir visualiser ce trou noir, il faudrait un télescope de plusieurs milliers de kilomètres de diamètre, or le plus grand radiotélescope du monde n'a qu'un diamètre de 500m.
La progression des capacités en calcul ont permis l'essor d'une méthode qui s'appelle l'interférométrie : on regarde simultanément une même source à l'aide de plusieurs moyens d'observation, puis on traite les données de façon à faire comme si l'image était issue d'un instrument dont le diamètre serait égal à la distance séparant les appareils. En combinant plusieurs radiotélescopes en différents points de la Terre on arrive à simuler l'usage d'un télescope grand comme notre planète !
Répartition des radiotélescopes ayant participé à la campagne d'observation
C'est donc ce qu'a réalisé l'équipe d'astronomes, en combinant les observations simultanées de 8 radiotélescopes, ils ont réussi à reconstituer la silhouette de M87*.
Pourquoi est-ce important ?
En dehors de la prouesse technologique que représente cette observation, cela permet de valider encore davantage la théorie de la relativité générale d'Albert Einstein. En effet, l'observation réalisée est conforme aux simulations qui avaient été effectuées et montrent que les trous noirs se comportent tous de la même façon, indépendamment de l'échelle.
Sources :
Le site "ça se passe là-haut"
Astrophysical Journal Letter (anglais)
Complément
Une vidéo complémentaire, elle aussi en anglais de la chaîne Veristasium expliquant simplement pourquoi l'ombre d'un trou noir est déformée :← Return